Édition du jeudi 14 avril 2016
Estelle Grelier : « Nous avons préconisé aux préfets de respecter les schémas tels qu'ils émanaient des délibérations des élus »
© Maire info
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Jean-Michel Baylet a dressé la semaine dernière un premier bilan de la future carte intercommunale, évoquant une réduction de 39 % du nombre des intercommunalités. Début 2017, combien la France comptera-t-elle d’intercommunalités ?
Les préfets ont conduit des discussions dans le cadre des commissions départementales de coopération intercommunale qui se sont achevées le 31 mars dernier. On peut constater que chaque département s’est doté d’un schéma de coopération intercommunale validé par ses élus. D’après les premiers retours que nous avons, il y a aujourd’hui 2 062 communautés qui sont appelées à devenir 1 245 communautés au 1er janvier 2017. C’est-à-dire une baisse d’environ 40 %. Cela représente une recomposition intercommunale d’ampleur décidée par les élus des différents départements.
A-t-on une idée du nombre de communautés XXL ?
Il y a aujourd’hui 5 communautés de plus de 100 communes et il y en aura demain 14. Ce qui veut dire que 9 communautés de plus de 100 communes sont proposées dans les schémas des préfets. Ces derniers ont jusqu’au 15 juin pour présenter les arrêtés de fusion au conseil communautaire et aux conseils municipaux concernés qui ont ensuite 75 jours pour se positionner à la majorité qualifiée sur l’arrêté de fusion. C’est donc à l’automne que l’on connaîtra la réalité des fusions qui vont s’organiser au 1er janvier 2017.
Et qu’en est-il de celles qui dépasseraient le nombre de 50 communes regroupées ?
Elles seraient au nombre de 157, dont un tiers sont déjà existantes.
Partagez-vous la crainte de nombreux élus sur les problèmes de gouvernance de ces intercommunalités géantes ?
Je constate que les élus ont validé les schémas. Si les élus décident de se réunir, quel que soit le nombre de communes, c’est parce qu’ils considèrent qu’il faut rechercher la meilleure échelle possible pour conduire les meilleures actions publiques possibles, donner les meilleurs services publics aux habitants. Sur un certain nombre de secteurs, les élus ont considéré que le bon périmètre pour conduire ces politiques à l’échelle du bassin de vie, c’est-à-dire du territoire du quotidien des habitants, c’était la réunion d’une centaine de communes. Il ne m’appartient pas de juger ce que les élus ont pu décider. En ce qui concerne les modes de gouvernance, nous savons qu’il y a déjà des organisations autour des conférences des maires et qu’un certain nombre de conseillers municipaux, qui ne sont pas conseillers communautaires, sont associés aux commissions thématiques. Je fais une grande confiance aux élus pour associer au mieux toutes les parties prenantes du développement des territoires.
On parle encore dans certains endroits de crispations. Avez-vous connaissance de beaucoup d’endroits où il y a vraiment des problèmes à résoudre ?
J’imagine qu’il y a encore des problèmes à résoudre mais globalement je retiens que les schémas ont tous été présentés par les préfets. Cela n’empêche pas des crispations sur des parties du département dont nous verrons la réalité au moment du vote des arrêtés de fusion. Avec Jean-Michel Baylet nous rappelons les éléments de souplesse qui existent dans le lissage dans le temps de l’harmonisation des compétences et de la fiscalité. Nous sommes en train d’étudier aujourd’hui les conditions de lissage de l’harmonisation des PLUI et, éventuellement, du versement transport. Les souplesses existent et sont de nature à lever les blocages.
Par ailleurs, nous avons préconisé avec assez de détermination aux préfets de respecter les schémas tels qu’ils émanaient des délibérations des élus.
Il ne faut donc pas s’attendre à beaucoup de « passer-outre » ?
C’est une disposition que le législateur a encadrée puisque la CDCI a aussi son mot à dire sur l’activation du passer-outre. Avec Jean-Michel Baylet, nous préconisons une utilisation extrêmement économe de cette disposition et nous serions ravis qu’elle n’ait pas besoin d’être activée.
Un rapport sénatorial critique la différence de traitement entre départements en matière de dérogations prévues par la loi Notre pour l’application du seuil des 15 000 habitants. L’APVF vient de relayer ces critiques et demande à l’Etat de respecter l’esprit de la loi à ce sujet. Comment réagissez-vous ?
A ce stade je pense que les préfets, dans la rédaction et l’élaboration de leur schéma, ont respecté l’esprit du législateur. Mais nous ne sommes pas sans savoir que sur un certain nombre d’adaptations, qui ne sont pas des dérogations de droit, il y a peut-être eu une difficulté d’explication, notamment quand il y a des effets de voisinage. Imaginons ainsi une intercommunalité de 15 000 habitants qui n’a pas besoin de bouger au regard des textes mais qui jouxte une intercommunalité plus petite, le préfet a alors pu théoriquement proposer que ces deux intercommunalités fusionnent.
Je préconise de regarder au cas par cas mais j’ai dans l’idée que les adaptations, quand elles pouvaient être activées, l’ont été. Mais nous sommes très ouverts à étudier les cas particuliers.
De son côté, l’AMF a listé un certain nombre de difficultés dans la mise en place de la nouvelle carte intercommunale et appelle le gouvernement à apporter des réponses précises, notamment en matière d’harmonisation fiscale ou de retour des compétences intercommunales aux communes. Allez-vous satisfaire ces demandes ?
Il s’agit de demandes d’accompagnement au plus près du terrain et de facilitation des différentes fusions. Nous sommes en train de rassembler tous les éléments de souplesse pour en faire vraisemblablement une circulaire que nous adresserons aux représentants de l’Etat.
Un certain nombre de souplesses existe mais on n’a peut-être pas assez insisté sur le fait qu’elles existaient. Un certain nombre d’autres est demandé sur le PLUI et le versement transport. Nous sommes particulièrement attentifs aux propositions qui pourront émaner, notamment, de l’Association des maires de France.
S’agissant des compétences orphelines, il faut rappeler que le lissage des compétences est déjà prévu : d’une année pour les compétences optionnelles, de deux pour les compétences facultatives. Il y a aussi des possibilités de conventionnement ou d’entente entre collectivités pour continuer à avoir une forme d’exercice intercommunal de ces compétences mais, peut-être, faut-il être plus précis sur ce sujet et nous sommes à l’écoute de toutes les propositions qui pourront émaner de l’AMF.
Les élus ne demandent pas une remise en cause des schémas mais simplement un peu de souplesse et de temps pour gérer les situations complexes. Le gouvernement n’y est pas favorable. Pourquoi ?
Le gouvernement est défavorable à un nouveau délai pour la mise en œuvre des schémas pour les raisons que nous venons d’évoquer : les éléments de souplesse sur les compétences, la fiscalité, sur lesquels il faut sûrement plus insister, ont été anticipés par la loi Notre et existent. S’agissant des délais, nous considérons qu’il n’y a pas de sujet dont on nous aurait fait part aujourd’hui et qui serait spontanément solutionné par un report d’une année de la mise en œuvre des schémas. Nous savons les éventuels assouplissements à donner encore s’agissant du PLUI et du versement transport et ensuite, nous considérons que nous aurons répondu au retour du terrain sur d’éventuelles difficultés.
J’insiste sur un point : quand les élus ont eu à se prononcer en tant qu’élus communautaires, élus municipaux, sur le schéma, quand ils ont eu à discuter dans les CDCI, ils ont eu des régles du jeu extrêmement claires et précises : la mise en place au 1er janvier 2017 des nouveaux ensembles fusionnés. Je ne vois pas objectivement ce qui pourrait amener aujourd’hui à reporter ce délai.
Les nouveaux éléments de souplesse seraient tous contenus dans une circulaire ou certains nécessiteraient-ils une évolution législative ?
Sur la question du PLUI, nous prévoyons une disposition dans le cadre du projet de loi Egalité et citoyenneté qui permettrait un lissage sur cinq ans de l’harmonisation des PLUI. S’agissant du versement transport, nous sommes en train de travailler sur un dispositif qui pourrait être présenté dans le projet de loi de finances tel que le souhaitent les élus. Concernant les autres souplesses, soit elles participent du droit commun qui existe déjà et peuvent être mobilisées dans cette intention soit elles sont déjà prévues par la loi Notre.
Propos recueillis par Christine Nemarq
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